Depuis plusieurs années, la publicité est perçue de façon paradoxale en France : en 2022, si près de 7 Français sur 10 estiment apprécier la communication publicitaire, seuls 48% jugent qu’elle est utile pour la société (Iligo-ARPP-IREP, 2022). La « fin de la publicité » est d’ailleurs régulièrement prophétisée depuis plusieurs années, notamment du fait de l’avènement du « brand content » ou des influenceurs (voir d’ailleurs l’ouvrage La fin de la publicité ? publié par Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti et Valérie Patrin Leclère en 2014).
En fait, il ne s’agit pas d’une disparition, mais d’une reconfiguration théorisée au travers des concepts pub* (publicitarisation, dépublicitarisation, hyperpublicitarisation). Pour décrypter ces métamorphoses -un enjeu de communication et de société majeur-, l’ouvrage collectif Les Dessous de la publicité (éditions Ellipses) s’attelle à répondre de façon originale. De nombreux témoignages, analyses, décryptages et études de cas sont proposés par des chercheurs en sciences de l’information, sciences de gestion et des professionnels (journalistes, patrons d’agences, créatifs,…). Coordonné par Julien Féré, professeur associé au CELSA et Partner chez Onepoint et Frédéric Aubrun, enseignant-chercheur à l’INSEEC Lyon, l’ouvrage comprend notamment les contributions de plusieurs enseignants-chercheurs du CELSA : Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti, Valérie Patrin-Leclère et Sébastien Appiotti.
Nos questions à Julien Féré
Pour mieux comprendre les grandes transformations contemporaines de la communication publicitaire, Julien Féré a accepté de nous en dire plus à propos des Dessous de la publicité :
Julien, vous dirigez aux éditions Ellipses la collection « Les Dessous de… », dont les ouvrages explorent plusieurs thématiques (la marque, les métiers du marketing et de la communication, l’engagement en entreprise…) au cœur des formations du CELSA. Pourriez-vous nous en dire plus à son sujet ?
Cette collection a été fondée en 2019 avec les Éditions Ellipses avec « Les dessous du marketing et de la communication », un ouvrage panoptique sur le sujet. L’ambition dès le départ est de faire dialoguer des chercheurs (issus majoritairement des SIC) et des professionnels sur les sujets de communication marchande et toutes leurs facettes (marques, tendances, publicité, etc.)
Pourquoi avoir privilégié des regards croisés entre chercheurs et professionnels dans Les dessous de la publicité ?
Ma conviction -et un peu à l’image de mon parcours de professionnel associé- est que ces deux mondes ne se parlent pas assez : l’un observe l’autre comme un terrain d’étude, mais les professionnels peuvent aussi bénéficier de ces recherches. Les livres de la collection sont un vrai lieu de dialogue où l’on cherche un langage commun et un échange sur des notions qu’on a tendance parfois à nommer différemment.
Pourquoi avez-vous sollicité les enseignants-chercheurs du CELSA dans cet ouvrage ?
Le projet est né avec Frédéric Aubrun lors de la sortie du volume 18 « Questionner les concepts Pub* » de la revue Communication et Management dans lequel une grande partie des contributeurs universitaires présents ont contribué. Mon idée était de regarder 10 ans après la publication de La Fin de la publicité ? ce qui restait de ces concepts circulants et de les actualiser, notamment avec des phénomènes qui ont pris une place prépondérante comme les influenceurs.
Quelles sont selon vous les grandes évolutions à venir pour la communication publicitaire et ses acteurs dans les années à venir ?
Je n’ai pas de boule de cristal et, ayant fait des tendances un de mes objets de recherche, je ne me risque pas à jouer à Nostradamus ! Cependant, on observe aujourd’hui une vraie mutation dans la façon dont les professionnels travaillent le matériau publicitaire. L’IA et tous les facilitateurs technologiques ont fait baisser le coût (en termes d’expertise) d’accès aux outils de création d’une marque, d’un logo, d’un contenu publicitaire, d’un plan média. Cela tend à rendre les publicitaires plus polyvalents et à moins segmenter la chaîne de valeur : le planneur stratégique peut toucher à la création, le designer doit avoir des appétences conceptuelles. C’est proche de la révolution qu’a connu le journalisme avec la naissance de profils qui interviewent, font la prise de son, d’image, rédigent, publient et font la promotion de leur contenu de façon autonome.